Le chanteur avignonnais d’origine irlandaise est de retour avec un second album en leader. Il nous avait régalés avec son premier opus (« Reborn », AJMI Series, 2013). S’il multipliait les projets annexes, au sein de l’ensemble Voice Messengers ou à l’occasion de quelque duo avec le pianiste Tristan Mélia (hommage à Tony Bennett et Bill Evans), il continuait à tourner avec son quartet, principalement dans la région provençale. En près de dix ans, l’esthétique de la formation a évolué d’une formule entièrement acoustique vers l’incorporation subtilement dosée d’un chouïa d’électronique, principalement instillée par le pianiste Rémi Ploton, rencontré à l’Institut Musical de Formation Professionnelle, l’école de jazz de Salon-de-Provence, mais aussi par l’usage raisonné d’un pad par le batteur Cédrick Bec.
L’art vocal du chanteur s’est affirmé au point d’atteindre une forme de maestria, tant dans la diction de ses textes poétiques, superbement écrits, où phonèmes et syllabes font l’objet d’un traitement tantôt langoureux tantôt rugueux, que dans les plages d’improvisation qui lui sont dévolues sur l’album, d’une rare pertinence mélodique et rythmique. Son falsetto qui lorgne vers l’androgynie rappelle évidemment David Linx (qui écrivit les liner notes de son premier album). Néanmoins son sens du placement musical pourrait autoriser à l’inscrire dans la lignée d’un Kurt Elling, notamment dans l’alternance remarquablement maîtrisée entre aigus et graves, ou bien encore dans son phrasé qui a quelque chose de « saxophonistique » : de même qu’Elling avoue s’inspirer de Wayne Shorter, de même Norwood fut saxophoniste dans une vie jazz antérieure. Il a aussi un côté soul crooner torride façon Marvin Gaye, déployant des caresses vocales groovy et fondantes à souhait (magnifique « Anaïs », dédié à l’être aimé). Cette appétence funky subtile repose sur le sens du placement de Sam Favreau, contrebassiste nourri des vibrations les plus sensuelles des musiques afro-américaines (nombre de provençaux se languissent de revoir son groupe Funkaestra, qui mettait le feu aux dance-floors). Bien évidemment, la batterie poétique de Cédrick Bec n’est pas pour rien dans la cohérence de cet édifice sensible (en particulier sur le manifeste écolo « Beloved Nature », dont il gère remarquablement la rythmique improbable… comme Mère Nature). De même le piano se voit gratifié de beaux moments de solo, comme sur ce « Ballade à deux », composition d’un onirisme confondant.
En distillant des sensations contrastées, entre joie et mélancolie, ce quartet déploie un registre épique et sensuel, un peu comme des troubadours d’un jazz résolument contemporain.