Falling Grace (*** Jazzman)
Négligé par les médias et faute d’être donné à écouter sur les ondes généralistes, le Jazz souffre de plus en plus vivement d’une profonde méconnaissance de la foule d’individualités qui, génies ou petits maîtres, façonnent son histoire fabuleuse.
Le glissement irrésistible et réducteur de son champ à quelques figures emblématiques (pour son passé) ou médiatiquement surévaluées (pour son présent) au détriment de nombre d’artistes de tout premier plan, relégués dans l’anonymat, ne plaide guère en faveur d’un enrichissement culturel de notre époque.
Installé depuis quelques années en France, Ben Aronov reste scandaleusement ignoré du grand public et (plus grave) de bon nombre d’amateurs de Jazz.
Portant, son âge, son profil, sa biographie et ses partenariats en musique en font l’équivalent d’une encyclopédie vivante de l’histoire du Jazz de ces cinquante dernières années. Et ce, depuis ses débuts californiens au sein des « Lighthouse All-Stars » d’Howard Rumsey, puis via ses rencontres avec Charlie Haden, Ornette Coleman, Gary Peacock, Jim Hall, Zoot Sims, Lee Konitz, Benny Goodman, Buddy Rich, Ken Peplowsky, Phil Woods et quelques autres de même envergure.
Sans omettre son travail d’accompagnateur de Liza Minnelli, Frank Sinatra, Peggy Lee, Lena Horne et Astrud Gilberto.
Ajoutons à cela , rien moins que négligeable, une discographie de sideman assez conséquente et une poignée d’albums personnels plus que réussis (mais peu diffusés chez nous, donc des collectors).
Tous ces ingrédients résument sommairement l’itinéraire exemplaire d’un pianiste de haut vol, d’un vrai pianiste de Jazz. Dépositaire d’un héritage somptueux qui, de Teddy Wilson à Bill Evans, illumine l’histoire du piano Jazz.
Avec ses prédécesseurs comme avec ses contemporains Ben Aronov partage l’élégance du style, la qualité du son, la permanence du swing, le sens de l’épure et une rare intelligence du choix de la note juste, unique et indiscutable. Personnelle aussi, car son approche du clavier ,
aussi porteuse de mémoire soit-elle, signe une indiscutable identité qu’il est plus que temps de reconnaître à sa juste valeur.
Cet enregistrement, qui le présente en excellente compagnie, vient à point nommé pour vous en donner l’opportunité. Ne la laissez pas passer.
Jean-Paul Ricard
A l’écoute
Presse